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Limburg
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  • Souvenirs, souvenirs. Des années 60 à aujourd'hui, les tribulations d'une famille ouvrière, ses errances, ses espoirs soixante-huitards, ses désenchantements. Des cicatrices conservées par chacun de ses membres, des stigmates... Essai de récit littéraire.
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29 novembre 2010

Le train

Le train fonce à toute allure dans la nuit. Le train, la nuit, m’a toujours donné l’impression de foncer à toute allure. De foncer à travers le noir de la nuit. Magique, le train déchire le mur de la nuit. Le mur de la lumière, de son absence. Le mur du son n’a qu’à bien se tenir ! Bon, ça fait un peu cliché de film, mais les clichés aussi ont leurs raisons. Surtout dans les couloirs des anciens trains à compartiments. Comme nous étions 5, 6 ou 7 à partir en famille, c’était toujours difficile de trouver un compartiment ayant de la place pour nous tous. Quand on en avait un, on l’occupait comme terrain conquis pour que personne ne vienne s’y ajouter, qu’on puisse rester entre nous. Mais en fait le vrai plaisir c’était quand nous ne trouvions pas de compartiment pour tout le monde. Alors mon frère et moi en cherchions un où nous pourrions être grands, seuls, sans la mère, ni la sœur, autonomes, libres. Libérés des commentaires assourdissants de Claudine. De toute façon je trouvais refuge dans le couloir où je devais me mettre sur la pointe des pieds pour atteindre la barre métallique qui traversait les fenêtres à hauteur d’homme parce que « e pericolo sporgersi… ». Le temps béni où l’air conditionné n’empêchait pas de goûter à l’air tout cour, quand on pouvait encore risquer sa vie pour se pencher à la fenêtre du train. Et puis tous les balancements rythmés du train, ses bruits déchirants, l’odeur des cigarettes des fumeurs alignés dans les couloirs, les hommes qui s’excusaient en s’adossant côté fenêtre ou côté compartiment pour laisser passer les voyageurs qui revenaient des toilettes ou cherchaient encore leur compartiment. Et puis rêver de devoir s’excuser pour une belle femme qu’on pourra aider à porter ses valises. Le début ou la fin d’une histoire. Et puis le passage d’une voiture à une autre, le sas en accordéon, les petites plateformes mobiles en métal au-dessus des rails et du ballast, le bruit encore plus fort. A côté, la carte du réseau que je regardais attentivement pour suivre le parcours du train. Voir après chaque gare le chemin parcouru, les km qu’il restait encore à parcourir. J’aurais voulu qu’il y en eût plus, des milliers de km, l’aventure. Enfin l’odeur des WC, l’intimité des WC, le seul endroit de solitude du train quand on ne frappait pas à la porte pour contrôler les billets ou pour un besoin pressant. L’odeur des toilettes mélangée à celle de la graisse de la mécanique du train, à celle des parfums des passagers, l’odeur du froid de dehors qui remontait en même temps que le bruit par la cuvette quand on tirait la chasse.

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